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Le poids des mots

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Nous sommes des êtres de relation par essence et fondamentalement connectés les uns aux autres.

Cependant, certaines personnes ont tellement souffert, ont enduré de tels traumatismes, qu’elles n’arrivent pas à avoir une relation saine  avec leurs proches, à l’intérieur de  leur propre famille ou de leur propre couple.

Elles ont vécu un rapport à l’autre fait de punition/récompense, culpabilité/honneur, compétition, comparaison/honte de perdre. Cela a atteint fondamentalement la construction de leur estime de soi, elles ont cherché à exister dans un certain modèle qui a nié la profondeur de leur être. Alors toute cette annihilation profonde, fondée sur la peur s’est transformée en une violence intérieure, un orage qui gronde mais n’éclaire pas.

Inconsciemment, ces personnes reproduisent à leur tour ce qu’elles ont vécu à travers un attachement insécure ou dysfonctionnel, reçu de leurs parents ou tuteurs.

La difficulté réside dans la dichotomie entre ce que ces personnes font vivre à leurs proches dans leur propre cercle familial (celui qu’elles ont choisi et co-construit)  et ce qu’elles montrent d’elles aux autres « habitants » de leur sphère : autres membres de la famille (frères, soeurs, parents), amis, collègues…. A leur égard, leur attitude est réellement généreuse, charismatique, dotée d’humour et de grande intelligence ; les compliments et  remerciements qu’elles obtiennent les aident à se sentir exister davantage .

Cette dichotomie entre leur posture à l’égard des personnes de leur sphère et ce qu’elles font vivre à leurs intimes peut procurer une violence incroyablement diffuse et insidieuse. Cette violence n’est pas perçue par le conjoint (surtout au début de la relation) ni par les enfants. En effet, ce n’est pas une violence physique, c’est une façon pour cette personne d’utiliser les mots de manière souterraine, récurrente et au bon moment. Les mots prennent alors un poids énorme, car ils nient l’individu, ils écrasent les besoins, ils piétinent  l’élan vital de leurs proches.

Il est alors difficile pour leurs enfants ou leur conjoint de développer leur estime de soi, comme s’ils étaient  divisés et écartelés. Cette estime de soi ne peut se déployer, elle est insuffisante et ne permet pas de faire circuler l’énergie relationnelle, source de confiance et de respect mutuel. Cela se ressent davantage que cela ne s’exprime. Ils sont dans une prison invisible, pris en étau entre l’envie de plaire et la peur d’exister. Bien sûr, le conjoint et/ou les enfants vont chercher à trouver des modes de relation qui essaient de compter, jusqu’à  parfois accepter l’inacceptable, jusqu’à annihiler leur propre personnalité, jusqu’à disparaître pour exister. Ils sont pris en otage relationnel, sous emprise transparente, à l’intérieur d’une cloche de verre et ne cherchent leur oxygène qu’à travers une forme d’adaptation permanente. Cette posture ne leur permet pas de prendre  vraiment leur place en tant que personne, elle les pousse à endosser  des  rôles qui  n’abritent  que des masques vides aux sourires figés.

Il faut énormément de temps, d’énergie et de prise de distance pour révéler cet état de fait  et sortir vivant de cet engrenage qui broie l’individu.

Plusieurs indices à détecter chez ces personnes aux relations dysfonctionnelles intimes peuvent toutefois aider leurs enfants ou leur conjoint à retrouver leur énergie intérieure :

Difficultés de se remettre en question et projections

  • Il est très difficile pour ces personnes de se remettre en question et de prendre leurs responsabilités. Elles peuvent aller jusqu’à nier les évidences. Se tromper devient alors quelque chose d’insupportable pour elles. Elles préfèrent culpabiliser les autres, projeter sur leurs proches des problèmes qu’elles n’arrivent pas à régler seules : ce qu’elles disent envers leur proches est le reflet parfait de leurs conflits intérieurs et personnels.

Sous-entendus

  • Elles ont du mal à s’exprimer de manière claire, elles préfèrent sous-entendre beaucoup. Elles peuvent également  prendre le monopole de la discussion. Elles coupent fréquemment la parole mais ne supportent pas qu’on les interrompe quand leurs phrases sont longues, complexes et/ou techniques.

Contradictions

  • Elles peuvent prendre le contrepied systématique des propositions qui leur sont faites, changer de mode de calculs, d’avis, en fonction des personnes et des contextes et finissent souvent par imposer les choses en disant que leur logique est la bonne.
  • Elles adorent remettre en question systématiquement ce que certains disent ou font mais vont s’arranger pour  finalement changer d’avis en fonction de leurs interlocuteurs ; elles peuvent  revenir sur un engagement pris à plusieurs.
  • Il y a souvent une différence énorme entre leurs discours et leurs actes.
  • Elles peuvent s’échapper d’une discussion sans raison précise, ou également détourner la conversation sans logique claire mais finalement démontrer qu’il y en avait une (logique).

Manipulation

  • Elles aiment diviser pour régner et créer la suspicion.
  • Elles sous-entendent parfois que les personnes passionnées recherchent le pouvoir et elles les suspectent de ne pas tenir compte des autres, surtout d’elles.
  • Elles sont exigeantes sur votre façon de mettre en œuvre vos actions, surtout si ce que vous faites vous plait. Elles ne s’y intéressent que partiellement et cherchent à vous mettre en défaut, surtout si vous voulez leur prouver quoi que ce soit.
  • Elles se servent des autres pour faire passer des messages, profitent de leur présence pour régler leurs comptes envers vous et se montrer sous leur meilleure facette.
  • Elles peuvent se servir de vos besoins, de vos valeurs pour justifier et assouvir leurs désirs.
  • Elles font valoir tout ce qu’elles font pour vous, jusqu’à parfois vous faire payer leurs services (chantage, argent, culpabilisation…).
  • Elles vous rendent service mais il y a souvent une contrepartie à payer, ce qui provoque un sentiment de malaise et vous n’osez plus leur demander quoi que ce soit.

Victimisation

  • Elles s’investissent dans certaines actions, puis reprochent aux autres de ne pas les suivre, puis se positionnent en victimes.
  • Elles vous accusent de les prendre pour des serviteurs et d’être des « despotes » vis-à-vis d’eux, surtout quand vous leurs faites une demande claire.
  • Elles ne font pas de choix clairs mais quand vous les faites à leur place, elles se positionnent en victime.

Fuite ou attaque

  • Elles ne tiennent pas compte de vos demandes, ni de vos besoins et si vous êtes malade ou triste, elles peuvent devenir agressives et/ou fuyantes. Elles ne supportent pas vos peurs car elles croient qu’elles sont dirigées contre elles.
  • Elles peuvent vous demander votre avis mais, au dernier moment, elles font comme elles ont décidé de faire.

Mon intention n’est pas de leur faire un procès, ce qui serait vain et contre-productif. Il y a différents niveaux de relations dysfonctionnelles qui peuvent aller jusqu’à une toxicité ne permettant pas de remise en question en profondeur de ces personnes ; dans le cas d’un niveau extrême, la seule solution est la rupture de la relation. Mais si le niveau de dysfonctionnement est temporaire, il arrive que ces personnes prennent conscience de l’impasse dans laquelle elles sont, c’est à elles de faire le premier pas, et non à vous. C’est à elles qu’appartient la liberté d’inverser leur posture limitante, source de mal-être. Votre responsabilité réside seule dans votre refus de rentrer dans le cercle vicieux qu’elles vous proposent implicitement, la plupart du temps inconsciemment. C’est le meilleur soutien que vous puissiez leur apporter.

Ce qui est important pour éviter que ces relations aspirent toute votre énergie, c’est tout d’abord de ne pas chercher à  nourrir leurs manques, ni à endosser les rôles de « victime/sauveur », ce qui se révèle être sans fin. Pour cela, il sera utile d’éviter les pièges tendus :

Difficultés de se remettre en question et projections

  • Prendre conscience de leur jeu psychologique pour ne pas entrer dans « la fosse aux lions» : ne pas chercher à argumenter, à se justifier, éviter l’escalade de « qui a raison/qui a tort ». Ce qu’elles nous montrent est une partie d’elles qui les protège et se dit : « Ne pas montrer mes erreurs, les faire porter à l’autre ». Cette croyance les a aidé à ne pas trop souffrir, à s’adapter depuis leur enfance.

Sous-entendus

  • Ne pas rentrer dans leur jeu, ne pas alimenter leurs allusions, ne pas chercher à comprendre, ni à répondre. Couper la discussion, mettre fin si nécessaire. Ce qui s’exprime à travers elles est également une forme de protection qui se dit : « Ne pas rentrer en lien direct, garder le pouvoir sur l’autre ». Cette croyance les a aidées à trouver une illusion de place et de respect, même si elles obtiennent souvent l’inverse.

Contradictions

  • S’éloigner, éviter les projets ensemble, privilégier votre autonomie, au moins dans un premier temps. Une fois de plus ces contradictions protègent et servent inconsciemment à garder le contrôle en captivant l’attention. Elles se disent : « Ne pas montrer qui je suis vraiment ». Cette croyance leur a permis de ne pas perdre la face, de se protéger de la peur de ne pas être aimée.

Manipulation

  • Prendre conscience de fait que ces personnes se trompent de cible en vous désignant, refuser d’être leur punching-ball, savoir que vous voyez bien leur colère mais que vous n’en êtes pas responsable. C’est également une forme de protection de leur part qui permet de prendre le contrôle sur l’autre en se disant : « Ne pas laisser l’autre libre, sinon il-elle va m’abandonner ». Cette croyance les a protégées longtemps de la peur de l’abandon.

Victimisation

  • Ne pas chercher à changer quoi que ce soi car vous deviendriez le sauveur, puis le bourreau (perçu comme tel de sa part). C’est là aussi une façon de se protéger pour éviter de prendre ses responsabilités car elle se dit : « Ne pas faire de choix, je risquerais de me tromper ». Cette croyance les a mis à l’abri de la peur de la critique et du jugement envers eux.

Fuite ou attaque

  • Prendre soin de vous et des vos relations saines pour remplir votre réservoir de tendresse, d’empathie et de confiance en soi, développer votre capital « ressources relationnelles ». Cette façon de se protéger est liée au besoin de survie, elle pense : « Ne faire confiance à personne ». Cette croyance leur a permis de les prémunir de la crainte de ne pas exister.

Quand nous prenons conscience de cette déformation relationnelle, nous faisons le premier pas vers une autre forme d’ouverture à l’autre. Il n’y a pas de fatalité, chacun de nous a la capacité de dépasser ses difficultés relationnelles et d’en faire un nouveau départ vers une découverte de l’autre plus nourrissante, plus créative, sécurisante et respectueuse. Les anciennes habitudes peuvent être déprogrammées de notre ordinateur interne. En effet, à partir du moment où nous décidons de prendre notre courage à deux mains pour sortir de cet engrenage, cela permet d’éviter de reproduire à l’infini un attachement insécure et dysfonctionnel.

Anne Vuichard Romé

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