J’ai découvert la Communication Non Violente depuis plus de 15 ans maintenant. En effet avec les meilleures stratégies, les meilleurs outils, les meilleures méthodes, il arrive souvent que les projets n’aboutissent pas. Intuitivement je sentais que ce n’était pas adapté aux besoins profonds des personnes que j’accompagnais.
Par exemple, si un bureau d’études mettait en place un nouveau process et remplaçait un ancien qui a déjà remplacé l’ancien…et ainsi à l’infini et, au final, ça ne change rien! Il peut en être de même dans d’autres secteurs : si un nouveau protocole, un nouveau système d’évaluation remplaçait un ancien qui remplaçait un ancien.. et si là non plus ce n’était pas le vrai problème ?
Si le problème était plutôt placé ailleurs, dans le cœur du système, c’est-à-dire dans la capacité des humains à coopérer, à donner du sens, à faire du commun ?
Nous savons tous donner de cette manière, cette capacité est liée à notre survie au temps de la préhistoire : un homme seul mourait. Nous l’avons oublié. Nous vivons dans l’illusion et dans la croyance suivante: le progrès passe par la technologie, la performance et le « pouvoir sur l’autre ».
D’ailleurs, la barre est très haute. Qui n’a pas entendu, vu, écrit en lettres rouges : « Peut mieux faire, s’il se donnait un peu de peine » ? Le « Peut mieux faire » nous fait croire que ce n’est jamais assez bien, malgré les efforts fournis. Le « Un peu de peine » nous porte à penser que la réussite se mérite dans la douleur.
On a donc inconsciemment intégré que la réussite se fait à deux conditions : « toujours plus » et « dans la douleur ». Et par voie de conséquence, pour être reconnu, il faut être compétitif en respectant la loi du « peut mieux faire que l’autre».
On a également compris qu’il ne faut pas montrer ses émotions désagréables : colère, tristesse, angoisses, peurs… il faut être bien gentil, garder son calme, ne pas pleurer et ne pas avoir peur !
Injonctions répétées pendant toute notre enfance qui nous ont modelé et ont enfermé notre énergie à l’intérieur de nous même. On a appris à « bien se tenir », à être performant et à se méfier du regard des autres.
On a donc insidieusement oublié de coopérer de manière intelligente, avec nos différences qui sont nos forces, avec notre vulnérabilité qui nous fait être humains.
Un autre regard est possible
L’axe central de la Communication Non Violente est l’intention que je me donne quand je suis en relation. Je peux découvrir à tout âge que je suis partie prenante et co-auteur-e de ce qui m’arrive.
Pour cela, il est important d’être à l’écoute de mes sensations et de mes émotions : des miennes et de celles des autres.
Pourquoi ? Parce que ce sont des indicateurs précieux de « Comment va la vie en moi? ET de quoi ai-je besoin profondément ?
Quand je parle besoins, je parle besoins fondamentaux : de comprendre, contribuer, respecter, d’être respecté-e…. et non pas « J’ai besoin que tu… », sous entendu « fasse mon bonheur à ma place».
J’ai des besoins qui sont liés à la vie. Si mes besoins sont pris en compte, alors je vais m’épanouir et je vais pouvoir prendre en compte ce que les autres vivent. Si mes besoins ne sont pas pris en compte, alors il y a quelque chose qui se fane en moi et mon système se bloque à l’intérieur de moi.
Si mon système intérieur se bloque, alors je ne suis pas en pleine possession de mon potentiel.
A ce moment là, le risque est grand de retomber dans de nouveaux process, nouvelles évaluations, nouveaux protocoles, nouveaux contrôles pour sécuriser le système sans prendre soin de notre énergie propre !!!
Nous mettons la focale sur les stratégies et non sur nos besoins fondamentaux; nous développons des protections qui nient la vie, tout simplement parce que nous n’avons pas appris à faire différemment.
Nous avons appris à utiliser une partie de notre cerveau qui prévoit, calcule, anticipe et nous avons laissé de côté sa capacité à prendre en compte les émotions, en lien avec notre rapport aux autres. Nous ne savions pas que tout est relié et, sans clarifier ce qui se passe, nous sommes prisonniers de nos peurs, nos colères… alors, tout notre corps via le système nerveux est impacté par ce défaut de prise de conscience.
La bonne nouvelle est la suivante: nous avons tous la capacité de développer notre intelligence émotionnelle et relationnelle, c’est un don naturel : et même si nous n’avons pas été éduqué dans ce sens, il est possible de désencoder notre disque dur interne pour le reprogrammer différemment.
La Communication Non Violente est une autre façon d’être en lien à soi et à l’autre ; elle utilise la rencontre avec l’autre comme ressource incontournable car elle nous permet de nous éclairer sur ce que nous vivons à l’intérieur de nous, et vice versa.
Pour cela, elle nous permet de vérifier sur notre tableau de bord ce qui se passe : si les voyants sont allumés, il y a besoin de vérifier dans notre moteur intérieur ce qui manque pour pouvoir alors entretenir du « mieux être » ou de l’urgence à réparer.
Quand on a cette conscience de vérifier cela avant tout, nous évitons de reporter la difficulté sur une cible qui n’est pas la bonne :
« Il est vraiment bouché, il ne comprend rien !… » (critique négative sur l’autre) ou bien « J’y arriverai jamais, ça va trop vite, je suis trop vieux et je vais me faire virer (critique négative sur moi) ».
Nous faisons cela la plupart du temps : il faut bien décompenser, vider la colère, la tristesse, la peur intérieure, sur autre chose. Le jugement, la comparaison, la projection sur moi ou l’autre me permet de vider la pression intérieure. En d’autres termes, on va jeter de l’eau sur notre moteur ou sur celui de l’autre mais ça ne va pas servir à grand-chose, sinon qu’à aggraver la situation !
Les deux premières étapes sont donc :
- vérification de nos témoins, les émotions.
- écoute de nos besoins.
L’étape suivante va être de trouver en soi ce qui permet de répondre à nos besoins.
Qu’est-ce qui est important pour moi, au fond ? Comment, pourrais-je y répondre ? A qui pourrais-je le demander ?
A partir du moment où je suis clair-e avec moi, je vais pouvoir l’exprimer à l’autre parce que j’aurais retrouvé une confiance intérieure et si on me répond par un non, alors j’irais chercher ailleurs et je trouverai.
Je vais renforcer l’estime de moi, renforcer ma créativité, ma responsabilité, ma liberté intérieure et développer la coopération.
En résumé
Nous mettons souvent en place des stratégies avant d’aller écouter nos émotions; ces émotions sont des indicateurs de nos besoins profonds, moteurs de notre élan vital.
Notre vision de l’autre, nos pensées sur l’autre sont souvent le reflet de ce que nous ne voyons pas dans notre « moteur intérieur ».
Or, par effet boomerang, c’est à nous que nous le faisons. Nous n’en avons pas forcément conscience mais quand nous projetons sur l’autre ce qui n’est pas réglé en nous, l’autre nous le renvoie puissance 10, sans en avoir obligatoirement conscience.
En réglant notre moteur intérieur, nous pouvons filtrer ce qui fait l’essence de notre message et offrir à l’autre la capacité d’en faire autant; passer d’un mode de relation réactif à un lien constructif et créatif.
C’est mettre l’énergie au bon endroit, comme si les émotions avaient une fréquence vibratoire dont nous n’avons pas conscience.
Anne Vuichard Romé